La majorité de droite du Conseil national a massivement surchargé la réforme de l’imposition des entreprises III. Pour la seule Confédération, la RIE III coûterait annuellement 1,22 milliard de francs, voire 1,45 milliard avec la suppression du droit de timbre. Personne ne peut aujourd’hui évaluer les pertes pour les cantons, villes et communes, les estimations se chiffrant entre 500 millions et plusieurs milliards. Une chose est a contrario certaine, la facture des cadeaux fiscaux aux actionnaires et aux entreprises sera adressée aux contribuables. Toutes les mesures de contre-financement ont été rejetées. Si le Conseil des Etats ne corrige pas le tir pour revenir dans le domaine du raisonnable, le PS lancera un référendum.

Le PS a toujours soutenu l’objectif initial de la RIE III, à savoir la suppression des privilèges fiscaux et des sociétés à statut spécial. Mais pas à n’importe quel prix ! Ce « festival de baisses fiscales » n’est ni raisonnable, ni pondéré. Les entreprises pourraient ainsi baisser leur charge fiscale à 3% (!). Pour Ada Marra, conseillère nationale (VD), « imposer les bénéfices à 3%, alors que les revenus des salarié-e-s l’est à hauteur de 25 à 30%, est inacceptable dans notre pays ».

La RIE III coûterait à la Confédération 1,22 milliard de francs, sans tenir compte de la suppression du droit de timbre. Mais l’addition ne s’arrête pas à cela : pour les cantons et les communes, la RIE III creuserait un trou sans fond. « Personne ne peut évaluer précisément les pertes. Elles devraient se chiffrer clairement à plus de 500 millions de francs. Le parlement répète les mêmes erreurs qu’avec le second volet de la réforme », précise encore Ada Marra. Toutes les propositions de contre-financement, comme l’imposition sur les gains en capital ou l’imposition complète des dividendes, ont été rejetées.

Les partis de droite ont transformé la RIE III en un libre-service pour cadeaux fiscaux. Voici trois exemples marquants d’astuces fiscales prévues :

  • Des dépenses pour la recherche et le développement plus hautes que celles réellement effectuées pourront être déduites, même si ces investissements sont faits à l’étranger. Le Conseil national a éliminé les limites supérieures de ces déductions. Les entreprises n’auront donc aucune raison de maintenir leurs départements d’innovation et les places de travail qui y sont rattachées en Suisse.
  • Avec un impôt sur les bénéfices corrigé des intérêts, les entreprises pourraient déduire des intérêts qu’elles n’ont jamais payés. Il s’agit là d’une niche fiscale classique, dont personne ne pourra amortir un jour les conséquences fiscales.
  • La suppression du droit de timbre est un souhait ancestral du monde de la finance, qui dans les faits ne perd rien avec la RIE III, mais qui coûterait cependant 200 millions de francs par an. La suspension provisoire du droit de timbre, traitée dans un projet séparé, est une pure manœuvre politique.

Le bric-à-brac de déductions, de niches fiscales et d’instruments fiscaux dont les effets collatéraux sont inconnus rappelle furieusement la débâcle du second volet de la réforme de l’imposition des entreprises. L’ancien conseiller fédéral Merz ayant sciemment caché la hauteur des pertes fiscales, la RIE II avait obtenu une très courte majorité dans les urnes. Ueli Maurer, lui aussi, ne se préoccupe que peu de la santé des caisses et du budget de la Confédération. Cependant, le peuple ne se laissera pas abuser une seconde fois. Le Conseil des Etats serait bien inspiré de ramener la RIE III dans le domaine du raisonnable, faute de quoi ce projet ne résistera pas au verdict populaire.

17. mar 2016