En n’adoptant la semaine dernière aucune mesure concrète avec un impact immédiat de protection des locataires contre les effets indésirables et les abus nés de la libre circulation des personnes sur le marché du logement, le Conseil fédéral fait preuve d’une invraisemblable incurie.
Les mesures nécessaires pour combattre avec efficacité et rapidité ces effets ont été clairement énoncées tant par le PSS que par l’ASLOCA, l’Association suisse des locataires. Il s’agit en priorité absolue de la protection des locataires contre les augmentations de loyer à la conclusion d’un nouveau bail et contre les congés économiques destinés à augmenter les loyers. L’objectif n’est pas de réviser tout le droit du bail. Il s’agit d’adopter des mesures temporaires valables pour les cantons où sévit une sévère pénurie de logements. Ce sont des mesures correctives au dysfonctionnement du marché applicables aussi longtemps que la pénurie n’est pas résorbée. Ces mesures peuvent être adaptées par arrêté fédéral, comme ce fut le cas en 1972 avec l’Arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif.
En refusant d’agir sur le cadre légale du marché locatif et en se limitant à proposer comme seules mesures, des moyens agissant à long terme, comme le soutien aux logements d’utilité publique, l’adaptation de la loi sur l’aménagement du territoire ou la mise en place d’un dialogue national entre la Confédération, les cantons, les villes et les communes sur la politique du logement, le Conseil fédéral se déconnecte de la réalité sociale et se fourvoie lourdement. Non seulement il méprise la souffrance sociale de la majorité de la population constituée à 2/3 de locataires, mais de manière irresponsable il contribue à s’aliéner le soutien – jusqu’ici important et déterminant – de segments entiers de la population à la libre circulation des personnes, les locataires des agglomérations et des centres urbains.
Le Conseil fédéral dans son dogmatisme libéral et à la traîne des milieux immobiliers et des partis de droite estime que les demandes des locataires n’ont rien à voir avec la libre circulation des personnes. Les spécialistes de l’économie du logement fort éloignés de la gauche affirment pourtant le contraire. Ainsi, homegate.ch affirmait le 16.1.2013 «La hausse n é anmoins persistante des loyers refl è te une demande qui demeure exc é dentaire. Celle-ci est stimul é e par l ’ afflux de personnel hautement qualifi é qui reste importante. ( … ) Les donn é es fondamentales ne devraient pas changer en 2013 ». Wuest & Partner, dans sa publication 2013/2, écrivait «Par contre, les loyers des nouveaux baux sont en hausse constante depuis 2005. ( … ) L ’ immigration de l ’é tranger, principal moteur de la demande de surfaces locatives, est rest é e constante et à haut niveau pendant l ’ ann é e 2012. Ces prochain mois, cette dynamique devrait rest é e inchang é e. » Les économistes du Crédit Suisse nous disaient le 29 avril 2013 dans le Crédit Suisse Research News « L’immigration en Suisse se concentre essentiellement sur les cantons du centre. Avec environ 15000 personnes, Zurich enregistre le plus grand nombre d’immigr é s, suivi par le canton de Vaud (10000), de Gen è ve (5800) et de Berne (5200). La p é nurie en logements dans l’arc l é manique entra î ne aussi un fort taux d’immigration dans les cantons de Fribourg et du Valais, essentiellement constitu é s d’agglom é rations ». Sans compter l’UBS : «Les rives du lac L é man et la r é gion de Zurich ont connu un miracle de l ’ emploi. Rien que depuis mi-2007, le nombre d ’ emplois a augment é de 8,6% au bord du L é man et de 6,9% dans le canton de Zurich. Pour la plupart des nouveaux salari é s, il s ’ agit d ’ immigrants bien qualifi é s à fort revenu, qui ont propuls é la demande de logements – et donc les prix. » (UBS Real Estate Focus janvier 2013.)
L’afflux migratoire entraine un dysfonctionnement du marché et impacte le niveau des loyers. C’est une réalité incontestable. L’importante production de logement en 2011 et 2012 évoquée par le Conseil fédéral pour justifier son inaction dans le marché du logement est l’expression de l’aveuglement idéologique fondée sur les prétendus miracles de la main invisible du marché. En effet, cette production reste nettement inférieure au retard accumulé dans l’offre ces dernières années et surtout inférieure de dizaines de milliers d’unités à l’arrivée des nouveaux migrants dans notre pays et qui cherchent logiquement à se loger, cela malgré l’activation de la clause de sauvegarde qui n’a aucun effet réel.
Le Parti socialiste l’a décidé démocratiquement à son Congrès de Lugano en août 2012. Il n’y aura pas de soutien à l’extension de la libre circulation des personnes à la Croatie sans mesures d’accompagnement efficaces avec des effets concrets et immédiats pour protéger les locataires contre les effets négatifs et les abus nés de la libre circulation sur le marché du logement. C’est uniquement comme cela que l’on reconquerra et assurera une majorité citoyenne pour le maintien de la libre circulation des personnes.