Face à la tragédie des migrant-e-s en Méditerranée, la Fédération des églises protestantes en Italie et le mouvement catholique Sant’Egidio, en partenariat avec l’Etat italien, sont en train de mettre sur pied des couloirs humanitaires. L’opération a débuté la semaine passée au Liban.

#safepassage : c’est l’hashtag qui court sur les réseaux sociaux demandant l’ouverture de couloirs humanitaires pour les personnes fuyant guerres et persécutions. C’est le cri des volontaires, des organisations humanitaires, des activistes sur les côtes de Lesbos et Lampedusa, qui seulement au mois de janvier de cette année, le plus meurtrier selon l’Organisation internationale pour les migrations, ont vu se noyer 360 migrant-e-s dans la Méditerranée. L’année dernière 3'771 personnes sont mortes dans la mer Egée et dans le Canal de Sicile : près d’un tiers étaient des enfants. Un lourd bilan.

Est-ce impossible de faire arriver en Europe en toute sécurité et de façon légale ces personnes, qui pourtant en auraient le droit de par leur condition humanitaire ?  Est-ce donc impossible de leur éviter les voyages de la mort sur des embarcations précaires, tout en court-circuitant le trafic sans scrupules des passeurs ? Oui c’est possible, et c’est ce que sont en train de démontrer deux organisations, la Fédération des églises protestantes en Italie (FCEI) et le mouvement catholique Sant’Egidio, qui ont lancé l’initiative œcuménique « Mediterranean Hope » pour l’institution de couloirs humanitaires. Face à la tragédie des migrant-e-s en Méditerranée, elles ont dit « basta ! ».

Il a fallu un an de négociations avec les Ministères des affaires étrangères et de l’intérieur, pour aboutir enfin à la signature d’un protocole visant à accueillir à travers des couloirs humanitaires mille personnes particulièrement vulnérables : enfants, malades, femmes enceintes, personnes souffrant de handicap. Il s’agit d’un « essai », disent les promoteurs, qui financent ce projet-pilote grâce à l’impôt ecclésiastique « otto per mille » versé par les contribuables italiens. Un « essai » qui toutefois, s’il s’avérait positif, aurait un potentiel majeur, puisque le modèle « couloirs humanitaires » peut être mis en œuvre dans n’importe quel Etat partie à l’Espace Schengen, donc aussi en Suisse.

La base juridique qui a permis toute l’opération est l’article 25 du Règlement (CE) no. 810/2009 du Parlement et du Conseil européen établissant le « Code communautaire des visas », repris d’ailleurs par la Suisse en septembre 2009. Celui-ci prévoit la possibilité pour un Etat d’accorder des visas limités à son territoire pour de raisons humanitaires. Et c’est avec ce visa humanitaire - délivré par l’ambassade italienne à Beirut - que la semaine dernière, après tous les contrôles et prise d’empreintes digitales, Falak, une fillette syrienne de Homs souffrant d’un cancer, est arrivée, accompagnée de sa famille, à l’aéroport de Rome. Suivront d’autres cas humanitaires urgents, environ 90 personnes, qui aujourd’hui grelottent sous leurs tentes dans l’un ou l’autre des camps de réfugié-e-s, loin de tout, au nord du Liban.

Au delà des grands et nécessaires débats sur la réforme de Schengen, des relocations dans les divers pays européens des centaines de milliers de réfugié-e-s arrivés en Europe et de l’acceptation de contingents ONU, les « couloirs humanitaires » sont une réponse adéquate à la condition de celles et ceux qui vivent des situations humanitaires dramatiques et qui ne peuvent s’engager dans la longue marche vers les terres d’asile européennes.

A quand une telle dynamique en Suisse ?

 

Gaëlle Courtens, présidente Antenne PS Suisse en Italie

03. fév 2016